Chers Lecteurs,
Bien longtemps que je ne vous ai plus écrit, malgré les rappels
pressants que je n’ai cessé de recevoir de votre part sur les réseaux sociaux
et en dehors. Je dois m’excuser (une fois de plus), mais en avouant cette fois
que cela a été fait à dessein. Je m’étais formulé ce raisonnement: après une période
de transition où il a fallu partager avec vous mes motivations pour l’entreprenariat
et crever au passage l’abcès de mes frustrations passées, il fallait très rapidement
se tourner vers le futur. En effet, ceux qui me connaissent en privé savent que
je ne suis pas homme à ressasser sans cesse les occasions manquées du passé ;
j’aime d’avantage à envisager l’avenir et me donner tous les jours les outils
pour parvenir à mon idéal de réussite sociale. De plus, il y a ce magnifique
cadeau que Dieu m’a gracieusement accordé entre-temps: mon (mignon) garçon. Il constitue
sans aucun doute l’une de mes principales sources de motivation aujourd’hui. Il
a été une raison supplémentaire/suffisante pour moi pour me tourner résolument
vers l’avenir.
L’avenir, de mon point de vue, signifiait: formaliser
l’entreprise du point de vue administratif, se doter rapidement d’un
portefeuille de produits pour celle-ci, mettre ces produits sur le marché et
commencer à produire un revenu. A dire vrai, je m’étais personnellement promis
de vous écrire encore seulement au moment où toutes ces étapes seraient complètement
achevées. Ce jour, même si ces étapes ne sont pas toutes franchies, il m’est
paru intéressant, quasiment 1 an jour pour jour après le début officiel de mon
aventure, de partager quelques 5 leçons importantes apprises jusqu’ici.
Vivre sa foi et sa passion
En fait, quand j’ai commencé cette aventure, au vu des
contraintes nombreuses qui s’annonçaient, l’horizon était loin de ressembler à
un boulevard (voir billet précédent). Je pense avec du recul que j’avais même
quelques raisons d’être inquiet quant à mon avenir. Les 2 principaux éléments
qui m’ont donné cette relative quiétude jusqu’ici sont ma foi (catholique) et
ma très grande passion pour la musique.
La Foi
Chez nous les Chrétiens catholiques, il y a une race très répandue
de personnes dont la régularité à la Messe est directement liée à l’intensité
de leurs problèmes. Quand tout va bien, on traine un peu des pieds pour se rendre
au culte Dimanche, mais quand les problèmes viennent à s’amonceler, on enchaîne
Chapelets et Neuvaines avec tous les livres qu’on nous propose à la sortie des
messes (en semaine et le Dimanche). Je dois avouer que je n’ai pas toujours échappé
à ce cercle très ouvert par le passé. D’autant plus que, lorsque j’étais salarié,
je pensais d’avantage à ma semaine de travail à venir plus qu’autre chose le
Dimanche. La relative disponibilité liée à ma situation nouvelle m’a donné
l’occasion de redécouvrir la beauté des Saintes Ecritures et le plaisir de méditer
ces paroles ; ce plaisir que je n’avais probablement plus ressenti depuis
mes cours de préparation aux sacrements de Communion/Confirmation. J’ai
d’ailleurs relu ce commandement simple et magnifique (que j’essaie depuis lors
d’appliquer dans toutes les péripéties de ma vie): Aimer Dieu et Aimer son
prochain. Que tout acte que je pose (décision que je prends) dans ma vie
personnelle et ma vie professionnelle contribue à témoigner de mon amour pour
Dieu et/ou mon prochain. Il y a également cet autre parole inspirante et lourde
de sens qui rappelle que les oiseaux dans le ciel ne sèment ni ne moissonnent,
mais le Seigneur leur donne chaque jour de quoi vivre. A combien plus forte
raison nous les Hommes qui sommes au sommet de l’œuvre de la création?
La Musique
Un peu en deçà de la Foi, il y a cette passion assumée pour
la musique. S’il est vrai que je suis mélomane depuis fort longtemps, j’avoue n’avoir
jamais autant écoute de musique, lu (parfois écrit) et partagé d’articles de blogs
spécialisés, rencontré ou aidé des artistes locaux qu’au courant des mois
derniers. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire et la musique est demeurée
mon premier compagnon d’aventure. Sans trop aller dans le détail de mes choix
musicaux, je citerai juste cet Album /Compilation de mon artiste préféré Nas
(Lost Tapes – Annee 2002) que je recommande à tout fan de musique Urbaine/Hip
Hop en quête de motivation. Les mélodies, les textes, la voix de l’artiste ont
véhiculé chez moi une telle dose d’espoir et de réconfort tous ces mois que je
ne peux plus faire 2 jours sans écouter au moins les titres «My Way » et
« Nothing Last Forever » (de cette compilation) ou « Still
Dreaming » du même artiste en collaboration avec Kanye West (Album Hip Hop
is Dead, Annee 2006).
Toujours dans le registre de ma passion musicale, dès les
premiers mois de mon aventure, je me suis assez vite proposé d’animer une
chronique hebdomadaire sur les nouveautés Hip-Hop US chez Brice Albin (le célèbre
animateur Radio jeune de Douala). Le but pour moi était d’offrir une plus-value
à l’émission de cet ami, et surtout de faire à temps partiel une activité qui
me sorte de ma routine d’Ingénieur. Il me fallait quelque chose de plus ludique
pour mon équilibre psychologique. C’était un peu ma manière de prendre ma
revanche sur mon Histoire récente (voir billets précédents). Je dois avouer que
beaucoup de personnes autour de moi ont (ouvertement ou sous cape) critiqué ce
choix, soit par incompréhension, soit par simple condescendance vis-à-vis des métiers
du divertissement. A ceux-là, j’aimerais simplement leur dire avec honnêteté
que Brice Albin est probablement plus épanoui dans son métier / sa vie que la grande
majorité des hauts-cadres que j’ai rencontré au Cameroun et ailleurs pendant
mon parcours professionnel. Mais, comme il parait «enviable » dans notre
environnement national de travailler pour des entreprises de renom (les bureaux
climatisés), même si c’est pour s’y faire lessiver comme de vulgaires
chaussettes sales pendant 8 heures de temps (le 1/3 de sa Vie J), c’est en effet
difficile à envisager que quelqu’un puisse s’épanouir en participant à une émission
Radio. Je ne vous en veux pas. Sachez juste que je n’ai donc pas changé, et je
n’ai pas changé de métier non plus.
Pour rester honnête, je pense vivre actuellement les moments
les plus épanouis de toute ma carrière professionnelle. Cela devrait nous donner
à réfléchir sur le sens réel que nous donnons chacun a notre bonheur personnel.
Est-on seulement heureux en ayant un emploi bien rémunéré auquel on consacre
8-10h chaque jour, parfois sous des contraintes psychologiques à la limite du tolérable ?
Combien de temps nous reste-t-il pour réaliser nos rêves (le dessein de Dieu),
savourer les moments délicieux de la vie (sachant qu’il nous faut également
dormir 8h et passer 1-2h dans les transports par jour)? Vaste sujet…
Se donner des objectifs.
La seconde grande leçon que je pense avoir apprise est celle
de formuler ses objectifs et de se donner un horizon raisonnable pour les réaliser.
Le péril parfois avec la liberté est la tentation de ne pas se donner
d’objectifs clairs. On se projette parfois vaguement, tout en se disant intérieurement
«même si ça ne marche pas, j’ai encore le temps ». Résultat :
tendance à la procrastination, le temps donnant l’impression trompeuse de
passer moins vite pour soi que pour les autres.
Avec des objectifs clairs et limites dans le temps, on dispose
de fait d’un repère fixe qui permet de se motiver soi-même et de pouvoir communiquer
de manière crédible sa vision à un éventuel partenaire ou une connaissance qui
souhaite participer moralement, matériellement ou financièrement à votre
aventure. En effet, pensez-y une minute : Comment paraitre crédible
aujourd’hui devant quelqu’un à qui vous avez dit 5-6 mois plus tôt : «Mon
logiciel-là arrive très bientôt » et à qui vous ne pouvez exhiber la
moindre esquisse de produit?
Heureusement pour moi, fort de cette démarche, j’ai
aujourd’hui des choses concrètes à proposer au marché local et je suis déjà prêt
à me jeter à l’eau.
La discipline (usage du temps, fréquentations)
En troisième lieu, quand vient le temps de l’exécution du
plan qu’on s’est fixé, il faut absolument de la rigueur pour aboutir au résultat.
C’est probablement sur ce point que la plupart de nous, jeunes entrepreneurs, avons
les plus gros risques d’échec. Il y a beaucoup de distractions qui viennent
avec la liberté et l’auto-emploi :
·
Les amis malveillants qui ne cessent de te
demander avec sarcasme : «Ton affaire-là est déjà à quel niveau ? »
tout en priant que tu fasses du sur-place. Ces gens qui sont «en haut »
mais veulent systématiquement te voir « en bas », selon le dicton
« Il ne suffit pas d’être heureux ; encore faut-il que les
autres ne le soient pas ». Il faut les éviter.
·
Les amis du Bar, ceux-là qui te disent :
«Gars, allons prendre une » ou «Il n’y a pas une ? » tous les
jours de la Vie alors qu’ils n’ont pas forcément les mêmes
objectifs/motivations/contraintes que toi. Il faut savoir décliner des
invitations également.
·
Les personnes «sans-intérêt». Avec les
nombreuses contraintes de temps et les responsabilités multiples, j’ai dû opérer
un filtrage méticuleux de mes fréquentations. Il ne s’agit pas de cupidité, ou
de ne contacter que ceux qui peuvent vous rendre service, mais d’avantage de la
qualité des personnes et du temps qu’on leur consacre. Il y a des gens dans
votre entourage qui n’ont pas forcément besoin d’autant d’attention que celle
que vous leur en accordez habituellement et parfois il faut pouvoir trancher
sec pour ne pas compromettre son énergie inutilement.
A titre personnel, j’ai pris l’option de m’entourer
essentiellement de personnes qui m’inspirent, qui traversent des difficultés
voisines aux miennes, qui me permettent de passer du temps de qualité ou qui me
motivent dans mon aventure de par leur succès.
Sur le plan de la gestion du temps de travail, ma recette
est plutôt simple : chaque jour qui passe, je veille à faire avancer de
manière raisonnable chacun de mes projets en cours, de telle façon qu’à échéance
fixée, je sois arrivé au bout de mes peines. C’est l’essence du proverbe
chinois que me rappelle régulièrement mon père : « Si tu as 1000 KM
de chemin à parcourir, et que tes jambes te permettent d’en faire 1 par jour,
lances-toi, car au bout de 1000 jours tu seras arrivé». Formulation plutôt anodine
mais très grande leçon de vie quand on a des moyens limités!
Echanger et Rechercher sans cesse les opportunités
En tant que jeune entrepreneur, la liberté (qui peut
facilement dériver en oisiveté) est une véritable opportunité. Ceci se vérifie
un peu plus pour le Product Manager que je suis (par essence à la recherche
permanente des opportunités de produit). Le fait de pouvoir longuement échanger
et socialiser sur les réseaux sociaux et en face-à-face avec le grand public
est la plus grande source d’inspiration pour moi actuellement. Au-delà des
nombreuses amitiés que l’on arrive à tisser, ces interactions nombreuses m’ont
permis également d’observer des comportements/besoins qu’aucune étude de marché
n’aurait pu formuler aussi clairement dans mon esprit. Loin de moi l’idée de
dire que vous n’êtes que mes cobayes sur les réseaux sociaux. Bien au
contraire, j’ai fait de très belles rencontres sur les réseaux sociaux, et j’y
ai passé beaucoup de moments fort-agréables depuis le début. Apres il n’en demeure
pas moins vrai que les réseaux sociaux sont un champ formidable d’expérimentation
pour la conception d’un produit « Grand public ».
Toujours dans le cadre de la recherche d’opportunités, j’ai également
pu intégrer progressivement la communauté « Digitale » de Douala où
j’ai découvert des évènements encourageants et plutôt bien structurés comme
« Digital Thursday » ou « Kaymu Entrepreneur Club ». C’est
le lieu de noter qu’il y a une vraie émulsion dans le domaine du Numérique au
Cameroun, mais une meilleure structuration des efforts et une mise en relation
plus étroite avec les grandes entreprises rendrait moins difficiles la mise sur
le marché de solutions locales adaptées. Il est encore très pénible aujourd’hui
de proposer un produit à une entreprise de renom.
Enfin, il importe de signaler que malgré ce qu’il parait, il
existe un bon nombre de mécanismes d’accompagnement pour les jeunes
entrepreneurs (les concours de Projets surtout). Il est vrai que les opportunités
de financement les plus intéressantes restent les initiatives internationales,
mais il demeure que beaucoup de petites initiatives locales existent pour ceux
qui font l’effort de chercher et rester en contact avec la communauté.
Adversité et Audace
La dernière leçon (la plus grande de toute) que j’ai apprise
est la résilience face à l’adversité. De même qu’il est nécessaire de mourir
pour monter aux cieux, il est nécessaire et incontournable de traverser des périodes
très dures sur le chemin du succès. Cela veut dire plusieurs concours où on échoue
lamentablement devant une concurrence bien moins expérimentée, se faire désagréablement
tourner en bourrique dans une entreprise où vous venez faire une offre de
services qui vous a couté des nuits entières de réflexion. Sur ce dernier
aspect en particulier, je dois dire que j’ai vécu mon premier choc face à la réalité.
Avoir cette chance de venir présenter une solution à une société de micro finance
ayant pignon sur rue, devant un panel essentiellement jeune, et constater comme
une insensibilité à l’innovation. Je ne doute pas de ce que ce panel ait perçu une
certaine pertinence dans le produit ; bien au contraire, tous semblaient d’accord
sur son opportunité. Ce qui m’a d’avantage frappé, c’est la négligence qui a
caractérisé la suite du processus: le black-out total, aucune communication
claire sur la suite de la procédure d’adoption. Ce n’est pas faute d’avoir
relance maintes fois ou d’avoir sollicité d’autres rencontres. J’aurai
tellement préféré un simple « non » ou « pas intéressés »
de leur part, afin de pouvoir consacrer mon énergie à autre chose, hélas… Cela
m’a amené à comprendre qu’au-delà de la barrière technologique, il existe une
grande barrière psychologique chez nos entreprises en ce qui concerne l’innovation
et la gestion professionnelle des relations avec des partenaires potentiels. Contrairement
aux idées reçues, ceci n’est malheureusement pas le seul lot des anciens/vétérans
proches de la retraite dans les entreprises. Plusieurs jeunes, familiers des
technologies nouvelles, n’ont juste pas l’audace d’oser ! Ils sont des
fonctionnaires du secteur privé, qui se contentent de gérer le patrimoine informatique
existant. Dommage, on est tenté de conclure. Occasion manquée.
Toutefois, un entrepreneur digne de ce nom ne saurait s’arrêter
face à ces échecs, il a fallu continuer de créer, élargir le spectre de clients
et partenaires possibles et changer parfois la manière de les approcher. Avec l’aide
de Dieu et à force de persévérance, d’autres opportunités sont arrivées, et le
futur proche devrait être plein de bonnes nouvelles. Restez connectés.
Voilà donc ce que j’ai souhaité partager avec vous en ce
jour anniversaire, en attendant de publier le prochain billet où, je l’espère,
les premières bonnes nouvelles seront annoncées, et les fruits de mes efforts
quotidiens commenceront à véritablement être récoltés…